4.11.10

Conte Exquis




REGLES DU JEU
: Pareil que pour le cadavre exquis mais cette fois Les interventions de Pepette de Port-au-Prince sont en rose, celles de Choupette de Bruxelles en noir, donc.

Il y avait deux sœurs, dans le village de Las Ocas, mais en fait on ne savait vraiment si elles étaient sœurs, et personne d’ailleurs ne pouvaient dire avec exactitude d’où elles venaient ni depuis combien de temps elles étaient là, c’est pourquoi on ne les nommait jamais autrement que “las senoritas brujitas de las Ocas”, et jusque dans les provinces les plus éloignées, tous en avaient déjà entendu parler. Il faut dire qu’elles étaient toujours en désaccord, il n’existait pas un seul point sur lequel elles tombaient d’accord, si ce n’est le jeu. Elles passaient leur temps à jouer, et inventaient toutes sortes d’obscénités. Leur préférée : le monde imaginaire. Les règles étaient rarement appliquées ce qui provoquaient des disputes terribles qui se finissaient toujours à La Taberna, repère de brigands mais aussi de tous les sorciers, magiciens et devins du coin. Les habitants du village craignaient ces deux êtres épris de liberté. A tel point qu’un jour le conseil des sages du village se réunit. A l’ombre du grand chêne, le plus ancien d’entre eux pris la parole :

- Il faut séparer ces deux furies ! Mais elles vont se tuer ! s’étranglait de peur le boulanger, il courut vers les deux sœurs rameutant avec lui tous les passants.

C’est une grande foule compacte que l’on pouvait voir au loin, bruyante de joie, menaçante d’envie, épatante de couleurs. On ne pouvait distinguer ce qu’il se passait, on ne voyait qu’un amas de bras, de jambes, divers organes, et on entendait des grognements, des protestations, une grande clameur qui finalement se détacha du tas humain pour prendre son envol. Loin au-dessus de ce brouhaha se dégageait un ciel clair avec des nuages doux et moelleux. Les deux jeunes filles regardaient le paysage s’échapper ; les petits maisons d’abord, la place, le grand cocotier, et même le boulanger finirent par s’envoler.

- Oô regarde au loin -bas, cette foule qui chante et qui danse, partons à leur rencontre.

- Ho oui partons les rejoindre dit l’une des deux sœurs qui, à peine avait-elle finit sa phrase, était déjà bien haut dans le ciel.

- Attends moi ici, nous partirons à la nuit tombée, il ne faut pas que les autres nous voient

- D'accord mais si tu ne reviens pas… resterons nous coincées à jamais dans ces cieux embrumés ? répondit-elle tandis que des ailes, de grandes ailes duveteuses et multicolores, commençaient à pousser sur ses épaules !

- Oh merde regarde les CRS fondent sur la foule, séparons nous et à ce soir.

L'après midi se déroula dans un bordel pas possible, après maintes péripéties les deux jolis cœurs finirent par se retrouver sur le sommet enneige du Tomba-tonkiou en petits dessous, frigorifiées, devant la grande sorcière. Impressionnante et effrayante, elle semblait se transformer à chaque instant, elle prenait la forme de toutes sortes d’animaux fantastiques. A la nuit tombée, il était temps de se rhabiller. La sorcière outrée se mit à baver et à prononcer toutes sortes d’insanités. Les deux fillettes étonnées se mirent soudainement à croasser, il commença à pleuvoir violemment, le tonnerre rugit et tout en sautillant lourdement elles se délectaient de cette eau ruisselante sur leur peau à présent rugueuse et pustuleuse.

- Regarde toi petite sorcière, tu vas et viens sur ton balai, et jamais ne t’arrête, nous tu nous fais rire avec ta bave et tes gros mots, reste avec nous !

- Ordures de bave de chameaux ! on ne m'avait jamais brocardé de telle griffe de griffon, gai-luron, harpie, vache, crapaud, crapoussin, ouste, ouste, fulminait la sorcière congestionnée, qui gonflait, gonflait, gonflait.

Si bien qu’elle finit par se transformer en un arbre magique avec un tronc large et fort, et des feuilles de toutes les couleurs qui brillaient, brillaient de milles feux. Il était tellement beau et fort, que tous les habitants du village voulaient le manger, personne n’avait jamais vu un si beau sanglier. Bien gras et muscle le bucheron du village, jaloux de l’arbre, s’approcha avec sa grande hache pour l’abattre. Au moment ou il brandissait sa hache elle éclata en une gerbe de chrysanthèmes de toutes les couleurs qui se dispersèrent dans l’air et retombèrent délicatement sur la foule qui instantanément à leur contact tomba lourdement et dans un profond sommeil. Tous ils dormaient, sauf le petit lutin vert qui rentrait de sa ballade quotidienne dans la foret. Il aperçut le bucheron et dans son enthousiasme perdu la notion du temps, ses gestes étaient gauches et il tomba sur les deux sœurs endormies. Elles se réveillèrent en même temps dans leur chambre d’enfants, heureuses de retrouver le regard de l’autre. Elles se racontèrent des rêves pour se remettre de toutes ces dangereuses aventures, comme il faisait froid elles s’étaient enroulées dans des plumes d’autruches géantes ; mais elles ne se comprenaient plus et leurs langues fourchaient. Des inconnues, des questionnements, des mystères, elles espéraient pouvoir tout résoudre ensemble. Dans leur chambre d'enfants, elles se mirent a explorer, fureter, fouiller, toutes leurs cachettes d’avant. Enfin, elles trouvèrent la sérénité, plus de disputes, plus de querelles, que le jeu, le rêve l’imagination tous les jours.

Au dehors, l'hiver grondait et la nature semblait se livrer à une lutte sans merci, une étrange bataille à coup de blizzard, de grêle et de neige, les bourrasques et les tornades se mirent de la partie. L’orage se fit de plus en plus intense, des éclairs de lumières qui transperçaient le ciel, le bruit du tonnerre qui éclatait dans la pièce. Elles n'avaient plus peur car tout redevint calme et doux, il y avait une odeur de barbe-a-papa et de caramel mou. Ca sentait aussi l’herbe mouillé, il fallait sortir, courir dans les prés, se rouler dans l’herbe, il fallait crier, danser, il fallait partir à travers le monde, découvrir des paysages.

Plus rien ne pouvait leur arriver, les aventures étaient bel et bien terminées, il était temps de se marier, de faire des enfants et de conclure l’histoire. C’est ainsi, que les deux sœurs partirent à travers le monde, et racontèrent les aventures merveilleuses qu’elles vivaient ensemble dans leurs rêves.