Ouvrez moi toutes les portes !
Je finirais bien par passer !
Mon mot de passe ? Walt Whitman !
Mais je ne dirais aucun mot de passe...
Je passe sans explications...
Si besoin, j'enfoncerais les portes...
Oui – moi, frêle et civilisé,
j'enfoncerais les portes,
Parce que en ce moment je ne suis ni
frêle ni civilisé,
Je suis MOI, un univers pensant en
chair et en os, voulant passer,
Et qui finira bien par passer parce
que, lorsque je veux passer, je suis Dieu !
(…)
Ouvrez toutes les fenêtres !
Arrachez toutes les portes !
Tirez la maison entière par dessus
moi !
Je veux vivre libre dans les airs,
Je veux avoir des gestes en dehors de
mon corps,
Je veux courir comme la pluie le long
des murs,
Je veux être écrasé comme des
pierres sur les routes,
Je veux aller, comme une chose lourde,
jusqu'au fond des mers,
Avec une volupté qui est déjà loin
de moi !
Je ne veux pas de serrures aux portes !
Je ne veux pas de fermetures aux
coffres !
Je veux m'intercaler, m'immiscer, être
emporté,
Je veux qu'on me fasse follement
appartenir à quelqu'un d'autre,
Qu'on me déverse hors des poubelles,
Qu'on me jette dans les mers,
Qu'on aille me chercher chez moi à des
fins obscènes,
Uniquement pour ne pas être toujours
là, assis et tranquille,
Uniquement pour ne pas être simplement
en train d'écrire ces vers !
Je ne veux aucun intervalle dans ce
monde !
Je veux la contiguïté pénétrée et
matérielle des objets.
Je veux que les corps physiques soient
les uns aux autres comme les âmes,
Non seulement dynamiquement, mais aussi
statiquement.
He calls Walt :
Porte vers tout !
Pont vers tout !
Route vers tout !
Ton âme omnivore,
Ton âme oiseau,
poisson, fauve, homme, femme,
Ton âme dédoublée
quand il faut être deux,
Ton âme indivise
quand les deux ne font qu'un,
Ton âme flèche,
éclair, espace,
Amplexus, nexus,
sexus, Texas, Caroline, New York,
Brooklyn Ferry
l'après midi,
Brooklyn Ferry des
départs et des retours,
Libertad !
Democracy ! Vingtième siècle au loin !
Pan ! Pan !
Pan ! Pan ! Pan !
PAN !
Fernando Pessoa, Salut à Walt Whitman