1.10.10

Conversation de cadavres exquis


REGLES DU JEU: Alors il s'agit donc d'écrire un dialogue sur le thème de l'amour, il nous faut un contexte, ni trop large, ni trop précis, et surtout très incertain pour que nous puissions nous sentir comme des petites chattes libérées que nous sommes. Donc deux amies, discutent de l'amour, elles peuvent se poser des questions, se raconter des anecdotes, partir dans des théories, enfin faire ce qu'elles veulent comme dans la vie. Chacune des participantes aura le droit à un maximum de 6 phrases, mais elle peut n'écrire que trois mots si elle le souhaite. Nous partirons sur un échanges de 10 "couplets", celle qui commence aura la tache d'introduire le dialogue et celle qui le termine de le conclure. Pour l'introduction et la conclusion, chacune des participantes dispose si elle le souhaite de 3 phrases de plus que dans un couplet normal. Une fois que nous avons notre couplet d'écrit dans un coin, nous envoyons à l'autre par mail les 4 premiers mots du couplet qu'elle devra composer. Chacune aura 24h pour faire parvenir à l'autre les nouveaux mots, et il est formellement interdit de modifier les écritures deja réalisées. Les interventions de Pepette de Port-au-Prince en noir, celles de Choupette de Bruxelles, en rose, donc.

CADAVRE EXQUIS

Le soleil était haut, une légère brise faisait balancer les feuilles des arbres dans un mouvement régulier. ELLES, elles étaient là, assises paresseusement, face à face. Sirotant avec désinvolture leur habituel jus de tomate, elles s’épanchaient avec légèreté sur leur thème favori, l’amour.

- Et pourtant il aimait danser… , grommela mollement l’une d’entre elles. Pourquoi s’aimer ça ne serait pas juste danser… Parfois des slows, parfois des valses, des danses acrobatiques, des danses exotiques, des danses traditionnelles, des danses rituelles... Je me souviens de cet homme qui ne s’exprimait qu’à travers des onomatopées rythmiques, ces mots d’amour étaient tellement audibles…

L’autre, dans un mouvement qui parut lui demander un effort certain l’interrompit.

- Bêtise ces mots d’amour, qui aiguisent mes furieuses envies de toujours. Des idioties - insanités ! - niaiseries, mais comme il est naze mon ami bien-aimé. Salaud! Il me fais croire, avec brio, à ses histoires. Baliverne, baratin, et pourtant vois comme il m’entraine, avec ses yeux, avec ses mains. Foutaises, oh mon amour, et je le déteste plus chaque jour. Et pourtant comme ils sont doux ses mots d’amour, mon amour. Et pour chaque bouteille vidée, un mot doux susurré.

- Jusqu’à plus soif mon ami, enivrés, repus et satisfaits, on peut les voir à travers la ville. Arpentant les rues main dans la main, comme pour montrer leur attachement face aux autres, face au monde. Barrières du nous, moi je ris, barricades contre vous. Jusqu’à plus soif mon ami, je me suis déjà moi-même enivrée, exposée, déshabillée. Et nue, face aux autres, face au monde, face à lui, j’ai opté pour la barricade contre nous et la barrière face à vous.

- Toi tu fais semblant d’être invincible. Tu fais semblant et c’est risible. Et la nuit tu pleures dans ton lit, sans bruit, et tu suces ton pouce en attendant le printemps. Et tu attends, marchant, pétrifiée. Et tu apprends comment on fait. Comment on se tient, comment on se tait, comment on revient, comment on se plait. Soulagement, je ne suis pas qui je devais.

- Et j’apprends comment on joue surtout ! Petit jeux de séduction, une graine de perversion et autant d’abnégation…Un jeu sans fin, le jeu d’une vie. Mais qu’il est bon de jouer, aussi bon que ce soleil qui me réchauffe les joues.

- Ho oui tu as raison peut importe les obstacles, nous nous aimerons. Notre amour est sans nom et n’a pas de définition. Il n’a pas de patrie, pas de frontière, tu es bien plus que mon amie, ma sœur, ma paire. Nous partirons au bout du monde, et nous reviendrons. Nous mettrons le feu à nos sous-vêtements, et nous crierons à la déculottade générale et au grand frisson. L’amour est mort mais nous le ressusciterons. A grands coups de sourires, à grands coupd de pieds.

- A grand renfort de slurp, grwch, muac, ploc, vlac, krouch… Il y avait quelques bzzzzz et des fzzz, et aussi quelques chhhhht. Autant de bruits qui les rendaient à part, un langage bien à eux, je pense. Il me semble qu’il connaissait le langage des oiseaux, et elle, celui des fleurs. Ensemble ils parcouraient la nature, courraient dans l’herbe et se couchaient nus souvent dans la rosée du matin, et sais-tu comment ils se sont rencontrés ?

- Surement par hasard sur la commode. A moins que nous ne l’ayons enfermé dans le placard ? Oui maintenant que tu me le dis je crois bien me rappeler l’y avoir rangé. Tout seul dans le noir, le pauvre amour. Il est grand temps d’ouvrir ce fichu tiroir - s’il n’est pas trop tard -. A force d’attendre, il aura les jambes molles et le sang qui tourne, il se brusquera d’un rien et s’effraiera de tout. Mais nous saurons le rassurer, nous l’allaiterons, nous le cajolerons, nous lui apprendrons comme cela peut être bon.

- Et il comprendra que … - Monsieur, un autre jus de tomates ! Oui c’est ça du piment, bien rouge, et oui, comme le jus- Où en étais-je ? … Ce n’était pas moi, voila c’est ça, ce n’était pas moi, ou peut être ce n’était pas lui. Enfin bon ce n’était pas nous et voilà tout. Mais tu m’écoutes quand je te parle ?

- Non jamais, je préfère sur une île déserte m’exiler, ou bien me réfugier au creux d’une forêt. Les jours y seront gais et les amis muets.